jeudi 12 février 2009

Réactions à chaud sur l'action "BétonSalon"

Pour commencer, quelques clarifications contre des idées reçues entendues:

Les locaux du BétonSalon n'appartiennent pas à l'université mais à la mairie de Paris. Autrement dit, cet espace n'a pas été "volé" aux étudiants comme on peut parfois l'entendre.
Il ne s'agit pas de condamner les possibles causes ou justifications apportées par le groupe qui a investi BétonSalon. Le manque de lieu de convivialité ou de lieu de réunion pour les étudiants de Paris 7 est un réel problème. Cependant, ces lieux, il faut les réclamer à la mairie et à l'état (une maison des initiatives étudiante est d'ailleurs en construction) et non pas chercher un "bouc-émissaire" à abattre. Cette façon de faire se rapproche d'une idéologie pas franchement défendable, surtout en ces temps où la solidarité est plus que jamais nécessaire.

Deuxièmement, BétonSalon n'est pas une galerie contrairement à ce qu'on entend souvent, mais un centre d'art. Cette précision est importante pour deux raisons: une galerie a une vocation commerciale, un centre d'art ne vend pas d'œuvre, mais sert uniquement à la promotion de jeunes artistes. BétonSalon est financé par des subventions, et dirigé par une association indépendante. Ce n'est donc pas une galerie privée qui dispose de fond énorme, mais une association avec ses volontaires, ses employés, et qui se bat elle aussi pour avoir le droit d'exister. Il ne s'agit pas d'un repaire de bourgeois élitiste et cynique, mais bien d'un centre de recherche artistique dirigé par des passionnés.


Les personnes qui ont investi BétonSalon ont fait preuve d'un égoïsme et d'une violence choquante pour des gens qui se revendiquent humanistes. Si la violence n'a pas été physique, envahir un espace de cette manière pour empêcher les personnes de travailler normalement sur un projet élaboré depuis des semaines, prendre le contrôle par le nombre d'un espace est un acte de violence en soi. Il s'agissait d'instaurer un rapport de force et de proposer un ultimatum qui consistait à choisir entre deux solutions: accepter d'abandonner le projet en cours et collaborer ou alors défendre le travail de l'artiste et prévenir la police. Aucun de ces deux choix n'est un choix acceptable.

Il s'agit purement et simplement d'une agression. En venant dans ce lieu, ce groupe a tout simplement voulu nier le droit à exister à BétonSalon et le droit de visibilité de l'artiste et le travail de ceux qui ont tout fait pour que l'exposition ait lieu.
Face à cette violence, aucun débat constructif n'est envisageable car le dialogue est engagé dans un rapport de force déséquilibré.

Quant aux débats mis en place, je m'interroge personnellement sur la pertinence d'un tour de parole pour engager une discussion. Si on ne peut répondre que 30 minutes après son interlocuteur, quelle efficacité peut bien avoir ce type de "conversation"? De même, le caractère "démocratique" de ce genre de méthode qui consiste à d'abord à s'imposer semble douteux.
De plus aucun projet et aucune revendication claire n'a été proposé ou discuté.
La plupart des étudiants n'étant même pas de Paris 7, la justification de leur présence allait de la création d'un centre social à la régularisation des sans papiers.


Pourquoi cet acte est complètement contre-productif?

Alors que le mouvement se réclamait "ouvert" à la création, pourquoi investir de force un lieu qui est déjà en soi fait pour la création? Un lieu qui propose aux étudiants volontaires de faire des concerts ou d'organiser des événements? Les réelles raisons de l'investissement de ce lieu sont un mépris total pour le travail effectué par l'association et la facilité. Il y a une logique dangereuse: on ne comprend pas, donc c'est un art élitiste, donc il n'a pas de raison d'être ici. N'est-ce pas faire le jeu de ceux qui veulent démanteler la culture en décidant de ce qui serait un "bon" art ou pas?

Leur méthode dite d'"ouverture" n'est pas en accord avec leur mode d'action. La première des ouvertures aurait été tout simplement d'aller discuter avec les responsables du centre, et de voir en quoi leur intervention pouvait donner lieu à un projet qui ne dégraderait en rien ce qui était en train de se mettre en place.

Les raisons qui ont poussé l'investissement de ce lieu plutôt qu'un espace public ou un lieu d'université semblent être le résultat d'un choix de facilité et d'une volonté de provoquer un conflit par la provocation qui justifierai des actions de dégradations ou une lutte qui n'avait jusque là aucune légitimité à se faire dans ce lieu.

Pourquoi BétonSalon est un lieu qui a sa place à l'université?

La question de l'art élitiste est une question idéologique centrale
BétonSalon présente des œuvres élitistes? Oui, sans doute, l'art présenté n'a pas forcément vocation à être "populaire" ou "commerciale". Personnellement je ne comprends pas toutes les démarches et les œuvres exposées. Mais n'est-ce pas la vocation d'un centre d'art que d'exposer des œuvres et des artistes qui n'ont pas forcément d'autres moyens de visibilité? Quelle place réserver à ce type d'art si les centres d'art ne prennent pas en charge leur diffusion? La télévision? les grands musées publics?

BétonSalon se doit donc de continuer à défendre ses convictions et le choix de sa programmation d'œuvres contemporaines, car c'est le but premier de son existence. Libre à chacun de s'y rendre et d'interroger les œuvres ou le personnel du centre pour engager un dialogue autour des expositions présentées. C'est le but de cet espace qui est également un lieu de recherche artistique. L'art qui y est présenté nécessite un apprentissage, à chacun de s'y intéresser ou pas, mais de respecter le travail généré. A l'heure où la recherche est mise en danger par des réformes gouvernementales et où chacun s'engage pour la défense de la recherche, il me parait navrant de s'en prendre à des lieux de recherches sous prétextes qu'on n'y comprend rien.

Enfin, n'oublions pas que BétonSalon est aussi soucieux d'être ouvert sur les étudiants et l'université. Des apéritifs sont organisés, des réunions et des concerts y ont eu lieu et peuvent y avoir lieu sur simple demande des étudiants. Ce centre est installé depuis peu, et les locaux même de Paris 7 et de ses environs sont fait de manière à rendre toute communication difficile. Nous en subissons les conséquences quotidiennement en tant qu'étudiants de Paris 7. Et il est tout aussi difficile pour BétonSalon d'entrer en contact avec les étudiants.

Pour cette raison les étudiants ne savent pas forcément comment fonctionne BétonSalon, et j'invite tout le monde à dépasser la méfiance que peut provoquer cet espace et les œuvres qui y sont exposées pour aller discuter avec les personnes qui gèrent l'endroit et proposer des projets.

L'investissement de BétonSalon par les étudiants est nécessaire et logique. C'est pour cette raison que ce centre a été ouvert à Paris7. Mais cet investissement doit se faire par le dialogue, la curiosité ou la volonté de création, pas par une prise de possession violente, désorganisée et sans buts concrets.

Maintenant comment agir concrètement? Passer à la galerie, discuter avec le personnel et en discuter autour de soi, apporter son soutien par sa présence au vernissage, communiquer sur le sujet et s'opposer à la dictature du comportement d'un groupe non représentatif de l'université et des ambitions de recherches et d'ouverture des étudiants de Paris 7.

Julien.

2 commentaires:

  1. je me demande comment ces étudiants réagiraient si un groupe d'artistes venait foutre le bordel dans leur fac ? ...

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  2. Je suis étudiante à l'Ecole du Louvre. Nous ne disposons d'aucun lieu de convivialité... je pense de plus en plus à aller squatter la salle de la Joconde ou de "La liberté guidant le peuple" pour une petite pétanque ou un lancer d'oeufs.

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